La mélancolie, un destin de la passivité

RésuméS’il est une maladie d’âme qui a inspiré autant les poètes que les hommes de science, c’est bien la mélancolie. Déclinée à travers les siècles sous diverses formes, elle traîne dans son sillage une ombre, celle d’un mystère résistant en ses confins à l’analyse. Les pathologies de l’humeur interrogent la valeur heuristique du modèle psychanalytique de la mélancolie, qui servira ici de toile de fond pour appréhender les aléas du traitement de la perte et de la passivité, particulièrement réactivées à l’adolescence. Alors que Freud avait inscrit la vulnérabilité dépressive dans le développement psychosexuel de la femme, nous questionnerons, non la mélancolie chez la femme, mais le « féminin mélancolique » présent chez tout homme et femme. L’impossible confrontation à la position passive, éprouvée au sein même des scènes originaires et de toute situation d’exclusion et d’abandon, conduit certaines organisations fantasmatiques à déployer une « version mélancolique » du fantasme de séduction. Nous mettrons ce modèle à l’épreuve de la clinique projective d’une adolescente présentant des troubles thymiques sévères. Nous montrerons que lorsque la solution mélancolique s’offre à l’adolescence comme seule issue, c’est pour dire l’intensité des fantasmes incestueux, qui demeurés dans l’ombre des angoisses de perte d’objet, sont à expier sur l’autel d’une dépression aux accents sacrificiels.

Melancholia is an affection that has inspired both poets and scientists. Under different disguises, through centuries, it has remained a mystery that resists analysis. Mood disorders question the heuristic value of the psychoanalytic model of melancholia. This is the model we will use to grasp the unknown factors of the treatment of loss and passivity, particularly present during adolescence. Freud considered depressive vulnerabilitly central to the woman's psychosexual development. Rather than study melancholia in women, we will question “the melancholic femininity” in both women and men. The impossible acceptance of a passive position, felt when confronted with the primal fantasies and all situations of exclusion and abandonment, leads certain types of organisations to give a “melancholic version” of the fantasy of seduction. We will examine this model using the projective tests of an adolescent presenting a severe mood disorder. We will demonstrate that, during adolescence, the “melancholic solution” is sometimes the only means to express the intensity of incestuous fantasies. Depression becomes the way to expiate these fantasies that had remained hidden behind the anxiety of loosing the object.