Innocence et culpabilité, un problème philosophique

RésuméL’expérience de la culpabilité est indissociable d’une représentation de l’innocence. Les communautés humaines développèrent des organisations multiples afin de conjurer l’irruption de la violence. Des formes symboliques furent élaborées tels les mythes et les religions avant que des procédures relevant de la rationalité pratique ne se structurent. Ainsi, l’éthique et le droit sont-ils contemporains de la philosophie grecque ancienne fondée sur le logos. En tant qu’expérience collective et individuelle, la culpabilité reste pour la philosophie un problème dont la complexité fut à l’origine abordée, dans le sens de la culture occidentale, par le mythe d’Œdipe. La tragédie de Sophocle pose d’emblée la question de la culpabilité sur le mode de la contradiction et de l’ambiguïté, Œdipe n’est ni innocent ni coupable. Un schème anthropologique traverse l’histoire selon l’axe Athènes/Jérusalem. La tradition biblique introduit la question du mal et de l’innocence perdue selon une dialectique où le bien et le mal sont les moments générateurs de la conscience coupable, sans disjonction possible. L’analyse philosophique aura à élucider le passage du mythos au logos et à montrer comment, là où se forme par l’ambivalence du symbole l’intériorisation d’une conscience, les discours éthiques et juridiques développeront une argumentation rationnelle constitutive du juste. Le questionnement philosophique met alors au jour des tensions irréductibles où la position indéterminée de l’innocence dans ses rapports à la culpabilité manifeste la dimension tragique de l’existence humaine.

Guilt cannot be separated from innocence. Human communities have developed many organizations in order to prevent violence. Myths and religions were conceived before the concept of practical rationality. Ethic and Law were founded upon Logos by ancient Greece. Guilt is a complex problem. Sophocle (in Oedipus tragedy) shows contradiction and ambiguity in the question of guilt. Oedipus is neither innocent nor guilty. An anthropological axis runs between Athens and Jerusalem. Good and Evil according to a dialectical opposition and confusion in the biblical tradition are the basis of guilty conscience without any possible disjunction. Philosophy has to bring to light the transition from Mythos to Logos and to explain the process of internalisation in conscience through the symbolic ambivalence. So, Ethic and Law will develop rational argumentation concerning human destiny.