Une histoire de l'éducation sexuelle en France : une médicalisation progressive de la sexualité (1945–1980)

RésuméL'éducation sexuelle s'inscrit dans une histoire dans laquelle les sexologues français se sont illustrés au cours des années 1970, au moment du renouveau de la sexologie française qui a accompagné la diffusion de la contraception, la libéralisation de l'avortement et la diffusion des travaux des sexologues américains Masters et Johnson. L'article revient sur l'histoire de l'éducation sexuelle en France, depuis 1945, qui est marquée par une première époque au cours de laquelle les médecins, les pédagogues et les psychologues sont unis pour condamner les manifestations sexuelles des adolescents (masturbation et relations sexuelles) sur la base d'une argumentation inspirée de la morale chrétienne et de la prévention des maladies vénériennes. Au cours d'une deuxième époque, apparaissent les psychanalystes et les psychopédagogues qui avancent l'idée du développement psychosexuel pour justifier la nécessité de limiter la masturbation et les relations sexuelles chez les adolescents. Enfin, l'apparition des sexologues dans ce domaine au milieu des années 1970 est marquée par des attitudes plus libérales en ce qui concerne la masturbation et la poursuite de l'argumentation du développement psychosexuel pour retarder l'entrée dans les relations sexuelles. Les positions de ces sexologues ont fait l'objet d'un vaste débat public qui a opposé les tenants de la morale traditionnelle à ceux qui revendiquaient la libération sexuelle. L'article discute les relations entre les argumentations normatives fondées sur la science (et notamment la psychologie) et la morale sexuelle qui en découle.

Sex education takes place in a broader historical process, in which, in the seventies, French sexologists became famous, in the course of the renewal of French sexology: at the time, the use of contraception became widespread, abortion was liberalized and the works of two major American sexologists, Masters and Johnson became famous. This article traces the history of sex education in France since 1945. During the first significant period, physicians, pedagogues, and psychologists were united to decry teenagers' sexual manifestations (masturbation and sexual intercourse). Their argumentation was based on a Christian inspired morality and on prevention against venereal diseases (sexually transmitted infections). During a second period psychoanalysts and psycho-pedagogues put forward the notion of psychosexual development to justify the need for limiting adolescent masturbation and sexual intercourse. Eventually, the emergence of sexologists in this field in the mid-seventies was marked by more liberal attitudes towards masturbation. They continued using the psycho-sexual argumentation to postpone teenage access to sexual intercourse. These sexologists' positions gave way to a great public debate opposing traditional morality proponents and those who were engaged in the sexual liberation process. The paper opens a discussion about the relations between normative arguments based on science (and on psychology) and sexual morality.

ResúmenLa educación sexual se inscribe en una historia en la que los sexólogos franceses se han ilustrado a lo largo de los años setenta, en el momento de la renovación de la sexología francesa que ha acompañado la difusión de la anticoncepción, la liberación del aborto y la difusión de los trabajos de los sexólogos americanos Masters & Johnson. El artículo vuelve sobre la historia de la educación sexual en Francia después de 1945 que estuvo marcada por una primera época durante la cual los médicos, pedagogos y psicólogos se unieron para condenar las manifestaciones sexuales de los adolescentes (masturbación y relaciones sexuales) sobre la base de una argumentación inspirada en la moral cristiana y en la prevención de las enfermedades venéreas. A lo largo de una segunda época, aparecieron los psicoanalistas y los psico-pedagogos que avanzaron la idea del desarrollo psico-sexual para justificar la necesidad de limitar la masturbación y las relaciones sexuales de los adolescentes. Por último la aparición de los sexólogos en este dominio hacia la mitad de los años setenta, estuvo marcada por actitudes más liberales en lo concerniente a la masturbación y la persecución de un argumento del desarrollo sexual para retardar la entrada en las relaciones sexuales. Las posiciones de estos sexólogos fueron objeto de un amplio debate público que opuso a los partidarios de la moral tradicional y a los que reivindicaban la liberación sexual.