Ethos et légitimité professionnels à l’épreuve d’une approche managériale : le cas de la justice belge

RésuméCet article analyse les conditions de légitimation et les modalités d’introduction de logiques et de dispositifs managériaux au sein de l’institution judiciaire, leurs limites et leurs conséquences sur les professionnels du droit. Longtemps étrangère à une approche en termes de coût et d’organisation en raison de la force de la culture professionnelle juridique, la justice est confrontée, en Belgique, mais aussi dans de nombreux pays occidentaux, à la prégnance croissante d’une logique d’efficience. Accompagnée par certains professionnels du droit, même si les modalités en sont parfois contestées, cette dynamique de changement met en évidence la juxtaposition et la concurrence entre régulations de type juridique, politique et managérial dans l’exercice de la justice. Il en résulte une redéfinition de l’identité professionnelle de la magistrature, une complexification des fondements de sa légitimité ainsi qu’une modification des rapports de force entre professionnels du droit. Le modèle du « bon » magistrat et de la « bonne » justice se trouve ainsi redéfini.

The conditions of legitimating and introducing a managerial approach in the Belgian judicial system are examined, along with their limits and consequences on legal professionals. The professional culture in Belgian courts has, for a long time, been reluctant to cost-analysis and an organizational approach from a managerial perspective. As in many other Western lands however, the judicial system in Belgium is now confronted with the growing impact of a rationale of efficiency. Accepted by certain legal professionals even though specific arrangements came under question, this process of change has brought to light a juxtaposition and competition between various types (legal, political, managerial) of regulations. It has led to: redefining the professional identity of magistrates, increasing the complexity of the judiciary's legitimacy and altering the balance of power between legal professionals. Models of the “good” magistrate and “good” justice have thus been redefined.