Sclérodermie systémique et exposition professionnelle aux solvants organiques « perchloréthylène ». À propos d’un cas

RésuméLa sclérodermie est une maladie auto-immune dont la physiopathologie reste mal élucidée et de mécanisme probablement plurifactoriel. L’observation de cas de sclérodermies chez des sujets professionnellement exposés aux solvants organiques fait suggérer le rôle probable des facteurs environnementaux dans la genèse de cette maladie. L’induction de la sclérodermie par l’exposition aux solvants serait-elle en faveur d’un effet immunotoxique de ces derniers ? On se propose alors de rapporter l’observation d’un cas de sclérodermie chez une ouvrière dans l’industrie d’habillage des volants et exposée à de nombreux solvants organiques.ObjectifsDiscuter l’origine professionnelle de la sclérodermie systémique en rapport avec l’exposition chronique au perchloréthylène (CCL2), solvant très utilisé dans l’industrie et incriminé selon la littérature dans la genèse d’une telle pathologie et proposer une éventuelle stratégie préventive.ObservationPatiente âgée de 23 ans, ouvrière dans une société d’habillage des volants depuis six ans affectée au poste de collage et exposée de ce fait à plusieurs solvants organiques dont le perchloréthylène et qui a présenté cinq ans après son embauche une symptomatologie évocatrice de sclérodermie systémique. Sur le plan paraclinique, on note des anticorps antinucléaires positifs, une diminution nette du nombre de capillaires à la capillaroscopie, un syndrome restrictif respiratoire modéré et un discret syndrome interstitiel. Une étude environnementale qualitative a été réalisée au sein de l’entreprise et complétée par une étude quantitative avec métrologie atmosphérique a pu mettre en évidence des valeurs moyennes d’exposition aux différents solvants conformes aux normes sauf pour le perchloréthylène dont la concentration atmosphérique est de deux fois la norme au poste de collage occupé par notre patiente.ConclusionL’origine professionnelle de la sclérodermie systémique a été posée chez notre patiente au vu de l’exposition chronique au perchloréthylène, solvant très utilisé dans l’industrie et incriminé selon la littérature dans la genèse d’une telle pathologie. En effet, l’induction de sclérodermie par les solvants est biologiquement plausible et serait en rapport avec un mécanisme dysimmunitaire, notamment une dénaturation de certaines protéines cellulaires par les solvants. Cet effet perturbateur de l’immunité serait cohérent, d’une part, avec les mécanismes connus de la sclérodermie et, d’autre part, avec d’autres effets possibles de l’exposition aux solvants organiques. À cet effet et devant l’utilisation largement répandue des solvants dans les entreprises, il faut insister sur le respect des mesures de prévention collective et individuelle. Ces mesures seraient de nature à limiter une éventuelle extension à caractère épidémique de cette toxicomanie aux solvants et le risque d’apparition d’autres effets organiques majeurs d’autant plus que ces manifestations ne font pas actuellement l’objet d’une reconnaissance médicolégale.

Systemic sclerosis (scleroderma) is an autoimmune disease whose pathophysiology remains poorly elucidated and whose mechanism is probably multifactorial. The observation of cases of scleroderma in individuals occupationally exposed to organic solvents suggests that environmental factors probably have a role in the pathogenesis of this disease. Is the induction of scleroderma due to exposure to the immunotoxic effects of solvents? We report a case of scleroderma in a patient working in the flying wrapping industry where he was exposed to many organic solvents.ObjectiveHere, the aim is to discuss occupational systemic sclerosis as related to chronic exposure to perchlorethylene (CCL2), a solvent widely used in industry and implicated in the etiology of our patient's disease, and we propose a possible preventive strategy.ObservationThe patient, aged 23 years, had worked in that industry for six years, assigned to a bonding post where he was exposed to several organic solvents, including perchlorethylene. After five years at this post, he developed symptoms suggestive of scleroderma. Findings included a positive antinuclear antibody assay, a net decrease in the number of capillaries by capillaroscopy, restricted respiratory function, and a moderate, discrete interstitial syndrome. An environmental air quality study was carried out within the company, supplemented by a quantitative meteorological study to estimate the average level of exposure to different solvents. The levels of these solvents were within acceptable norms, except for perchlorethylene, whose concentration was found to be two times higher than the norm at the place where our patient did the bonding.ConclusionThe occupational origin of systemic sclerosis was suggested in our patient in view of his chronic exposure to perchlorethylene, a solvent widely used in industry and which has been incriminated previously in the literature as a cause of this illness. Indeed, the induction of scleroderma by solvents is biologically plausible, and it could involve an immunological mechanism, perhaps through denaturation of certain cellular proteins by solvents. This disruptive effect of immunity would be consistent, first, with the known mechanisms of scleroderma and, second, with other possible effects of exposure to organic solvents. With that in mind, and given the widespread industrial use of solvents, we must insist on compliance with collective and individual preventive measures. These measures could limit an eventual epidemic-like increase in drug-like addiction to solvents and also the risk of developing other effects on major organs, especially as these conditions are not currently recognized medico-legally.