Maltraitance faite aux enfants : entre méconnaissance du problème et déni

RésuméLa maltraitance des enfants en France est un phénomène mal mesuré, probablement sous-estimé mais pourtant très important. Les conséquences à long-terme sont gravissimes (symptômes dépressifs, idées suicidaires et tentatives de suicide, anxiété et problèmes émotionnels, comportements sexuels à risque ou encore abus de substances et répétitions trans-générationnelles des violences). Malgré ces données alarmantes, la maltraitance fait toujours l’objet d’un déni auquel participent les médecins, déni très peu documenté dans des études françaises mais bien analysé dans différentes études internationales. Les causes de ce déni sont multiples. La non-reconnaissance des cas de maltraitances est directement liée à un manque de connaissance et de formation des médecins sur ce sujet qui n’est traité qu’en une heure de cours pendant l’externat puis en moins de 2 heures pour les internes en médecine générale et en pédiatrie. Ce manque de formation entraîne des lacunes dans le repérage (méconnaissance des facteurs de risque, de la loi…) mais aussi dans le signalement. Il existe également une réelle aversion de voir, des croyances erronées (niveau socio-économique…) et de nombreuses barrières psychologiques qui font que les médecins hésitent à signaler (craintes de répercussion sur le plan pénal, personnel, perte de la patientèle, peur de nuire à la famille). Enfin, un 3e frein majeur à la reconnaissance de la maltraitance est celui du dogme, encore trop ancré dans les consciences, d’une famille qui serait « naturellement bonne » et qui conduit à tenter de maintenir les liens à tout prix entre l’enfant et sa famille, même lorsque ceux-ci sont devenus à l’évidence délétère pour l’enfant (retard de placements, tentative de restitution qui souvent échouent…) et entraînent une grande instabilité affective avec des conséquences dramatiques à l’âge adulte.

SummaryChild abuse in France is a mismeasured phenomenon, probably underestimated yet very important. The long-term are very serious (depressive symptoms, suicidal ideation and suicide attempts, anxiety and emotional problems, risky sexual behavior, or substance abuse and trans-generational repetitions of violence). Despite these alarming statistics, child abuse is still the subject of a denial which doctors participate, denial poorly documented in French studies but analyzed in various international studies. The causes of this denial are numerous. Non-recognition of cases of abuse is directly related to a lack of knowledge and training of physicians on this subject as it is treated in one-hour classes before the National Classifying Exam (ECN) and in less than 2 hours for resident learning general medicine or pediatrics. This lack of training leads to gaps in the tracking (ignorance of the risk factors, law…) but also in the alert. There is also a real gaze aversion, mistaken beliefs (socio-economic status…) and many psychological barriers that make physicians reluctant to report (fear of personal or professional repercussion, loss of patient base, fear harm the family). Finally, a third major recognition of abuse brake is that of dogma, too rooted in consciousness, a family that is “naturally good” and that leads to try to maintain at all costs the links between child and his family, even when they have become deleterious to the child (delayed placements, return home too early…) that leads to serious emotional instability with dramatic consequences in adulthood.