Fluvial filtering of land-to-ocean fluxes: from natural Holocene variations to Anthropocene

L'évolution des systèmes fluviaux à l'échelle globale et de leurs flux aux océans est considérée (i) sur les derniers 18 000 ans, (ii) sur les 50 à 200 dernières années (période Anthropocène). Pendant l'Holocène, environ 40Mkm2 sont soumis à des variations temporelles et spatiales importantes, contrôlées par (i) des facteurs climatiques régissant les connexions continents-océans (endoréisme, recouvrement glaciaire, exposition de la plate-forme continentale), (ii) des facteurs propres à chaque bassin régissant la rétention et la transformation des matériaux dans les filtres fluviaux (zones humides, lacs, plaines d'inondation, estuaires). Les changements anthropocènes concernent une superficie du même ordre, caractérisée par (i) la réduction partielle à totale des écoulements fluviaux, (ii) la modification, voire la suppression, des filtres naturels, (iii) la création de nouveaux filtres fluviaux particulièrement les zones irriguées et les réservoirs, (iv) l'accélération et le développement de multiples sources de matériaux résultant des activités humaines. L'analyse des 38 grands systèmes fluviaux, totalisant une superficie de 55Mkm2, porte sur (i) leurs évolutions naturelles depuis 18 000 ans, (ii) l'importance relative des divers filtres naturels, (iii) la situation actuelle des filtres fluviaux : les caractéristiques et les trajectoires de ces systèmes fluviaux sont en général uniques. Les flux spécifiques (t km−2an−1) de matière varient de deux ordres de grandeur et environ 30 % de la surface terrestre génère 90 % des flux. À l'Anthropocène (depuis 1950), la plupart des flux fluviaux ont globalement augmenté (sodium, chlorure, sulfate, azote, phosphore, métaux lourds), certains sont stables (calcium, bicarbonates, sédiments), d'autres ont probablement diminué (silice dissoute). Leur évolution future dépendra de l'équilibre entre, d'une part, l'accroissement des sources de matériaux fluviaux (érosion des sols, pollution, fertilisation) et, d'autre part, la consommation de l'eau par l'agriculture irriguée et la modification des filtres fluviaux. Les réservoirs interceptent déjà la moitié des eaux fluviales et stockent au moins un tiers des sédiments fluviaux. Dans certains bassins, la rétention excède la production de matériaux fluviaux et les flux sont en régression. Les grandes villes, les régions minières ou industrielles ainsi que les grands réservoirs sont des « points chauds » de production ou de rétention de matériaux fluviaux. L'évolution de chaque fleuve est caractérisée par un ensemble de trajectoires spécifiques à chaque type de matériau. La vision globale des systèmes fluviaux et de leur évolution future nécessite donc une résolution fine, tant pour les facteurs de contrôle naturel qu'anthropique. Pour citer cet article : M. Meybeck, C. Vörösmarty, C. R. Geoscience 337 (2005).